Voline à Arru le 8 juillet 1945
Article mis en ligne le 1er février 2016

par SKS

Marseille, le 8 Juillet 1945

Mon très très cher ami,

La dernière fois, nos lettres se sont croisées. J’avais bien un grand désir de te répondre séance tenante, mais les circonstances m’ont obligé, au contraire, à retarder ma réponse.Tu sais que j’ai la commande du groupe de Londres pour un ouvrage sur Makhno. Imagine-toi que la tâche se présente sous un jour exceptionnellement délicat : à un tel point que j’ai dû changer totalement la façon de m’y prendre jusqu’à 4 fois… Et ce n’est que la quatrième manière qui me donne, enfin, pleine satisfaction. Or – tu dois le savoir – pour un ouvrage d’une certaine importance la façon de « s’y prendre », de commencer « par le bon bout », a une portée capitale. Eh, bien ! La recherche de ce « bon bout », plus d’autres soucis et besognes, plus un peu de fatigue, m’ont interdit de t’écrire jusqu’à ce jour, en dépit de mon impatience…

Donc, je passe à ta bonne lettre. Et je tiens, avant tout, à te dire qu’ayant lu ton premier alinéa, j’ai éprouvé un accès de joie tellement fort que j’ai dû arrêter la lecture pour quelques instants…
Ah ! Qu’il est bon de « retrouver », de « porter à 100% », de cimenter ç tout jamais une amitié !...
Oui, mon bien cher ami : notre échange de lettres a définitivement scellé la nôtre. Maintenant, il n’y a plus entre nous de la moindre incompréhension…
Quant au fond de ta réponse, elle m’a expliqué, en effet, la « psychologie » de ton « ressort ». J’ai compris ton besoin « psychologique » de viser grand et assez loin pour avoir l’élan nécessaire à l’action immédiate. C’est très personnel, ça. Et, naturellement, avant tes explications, je ne possédais pas, comme tu le dis, les éléments nécessaires pour comprendre…
Donc, je suis tout à fait satisfait et rassuré.
(De plus, comme tu sais, nous sommes d’accord sur beaucoup de points).
Je n’en parlerai pas davantage car j’espère te voir bientôt ici…
J’ai l’occasion d’expédier cette lettre dans quelques instants et je vais m’arrêter.
Quelques mots sur ma santé.
Pour des raisons de santé, mon dentiste doit quitter son travail avant la fin du mois. (Pendant la guerre, il a attrapé une entérite chronique, à 27 ans !!!). Alors, il me livre l’appareil ce mercredi au lieu de vendredi. Cela me fait gagner encore 2 jours, ce qui est énorme.
J’espère donc pouvoir pousser ma convalescence beaucoup plus activement, à partir de la mi-juillet. (Il faut un certain temps pour commencer à mastiquer à fond avec un appareil neuf…)
Le dernier essayage a donné de très bons résultats.
Mon bien cher, je te quitte en t’embrassant bien fort ainsi que Julie…

Voline

P.S. Je crois qu’avec les « paquets » rien n’en sortira. Envoie-moi plutôt les 1.000 Fr.
As-tu reçu les 25 n°2 ?


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