Un Monde à changer
Article d’André Arru paru sur La Libre Pensée des Bouches-du-Rhône n° 5, octobre 1970
Article mis en ligne le 24 septembre 2017

par SKS

Bien sûr, certaines choses ont changé dans ce monde que notre ami voulait voir meilleur : les noms, les références par exemple. Nixon n’est plus le président des USA, mais l’actuel chef de la Maison Blanche n’a rien à lui envier, et fait craindre un embrasement général.

Les propos d’André Arru, ses réflexions, sa condamnation sans équivoque ni exception de la violence et de l’oppression, restent d’actualité. Tout comme cette tentation de s’isoler, tentation finalement écartée.

Parfois, un peu lasse, cette pensée : "à quoi bon" vient me visiter. Et puis, je découvre que tel livre prêté à un(e) ami(e), telle causerie, tel propos échangé a eu un retentissement. Rien que cela est suffisant pour ne pas lâcher prise.

Un Monde à changer

Il est de plus en plus difficile à un être qui tente d’être guidé par une éthique de raison, de fraternité et de progrès social, de trouver son équilibre dans une société chaotique qui semble vouloir briser la gangue de ses contradictions mais qui donne beaucoup plus l’impression de se dissoudre que de se reconstruire.

La violence s’installe partout. Le droit, la justice, la liberté – qui n’ont jamais été institués nulle part – sont aujourd’hui ouvertement bafoués par tous ceux, conservateurs ou progressistes, qui prétendent en être les vrais défenseurs. D’est au nom des droits indescriptibles de la personne humaine que NIXON déclare à ses guerriers que leurs bombes à billes et à fléchettes, leurs défoliants, les ruines, les cadavres, les estropiés, la destruction systématique de toute une partie du monde, c’est de la « puissance déployée pour la paix ». Mais si NIXON peut faire, sans que l’humanité lui crache au visage, des déclarations aussi cyniques, c’est que partout ailleurs, des hommes, des peuples sont ses complices, même lorsqu’ils sont dans le camp opposé. Complices lorsqu’ils approuvent, complices lorsqu’ils réprouvent mais emploient les mêmes méthodes, les mêmes moyens. Les fausses nouvelles, le mensonge, la calomnie, le chantage, l’intimidation, la prison, la torture la guerre, sont employés par tous les gouvernements pour s’imposer à l’intérieur de leur nation et pour étendre leur hégémonie à l’extérieur.
Aux Amériques, en Orient, en Afrique du Nord et du sud, en Extrême-Orient, en URSS, en Europe y compris la France, le pacifiste est condamné, le guerrier est décoré, le citoyen est suspect, le policier est tabou quoi qu’il fasse, le mensonge est honoré, la vérité (je parle de celle qu’on démontre) est réduite au silence lorsqu’elle n’est pas incarcérée ou encore érigée en folie.

Il n’est pas étonnant que l’homme de paix et de raison sente son équilibre vaciller, et, écœuré par tant d’ignominies, écrasé par son impuissance, se réfugie dans le silence et l’évasion souvent futile. Ni l’un ni l’autre cependant ne sont une solution car ils soumettent bientôt le patient à un écœurement plus grand que celui que l’on rejette sur les autres, celui de soi-même. La tour d’ivoire n’est qu’un leurre, car le spectacle n’est fait que d’acteurs.

En définitive, l’aventure peut être passionnante. Une société se désagrège, elle donne autant de signes d’effondrement qu’elle a de possibilités de redressement. Pourquoi chacun de ceux qui se flattent d’être hors du troupeau, et qui sont attachés par raison et sentiment à l’avènement d’une société harmonieuse et progressiste n’utiliserait-il pas ses connaissances à communiquer aux autres l’éthique qui les anime.

Lutter contre tous les mythes, tous les mysticismes, tous les préjugés, tous les arbitraires, qu’ils soient d’ordres religieux, politiques, gouvernementaux, pseudo-scientifiques, racistes, et j’en passe.
Combattre les méthodes liberticides des groupes de pression de toutes obédiences, par une information et des actions concertées et suivies.
S’ingénier à créer, développer, étendre l’alliance des êtres liés au concept de liberté individuelle dans l’harmonie sociale par la connaissance et l’information.
Faire pénétrer dans d’autres mouvements, partis, syndicats ce principe irréductible de refuser pour soi-même et pour tous des moyens contraires à la fin que nous voulons atteindre.

Voilà schématisé tout ce qui peut remplacer l’évasion médiocre et futile, et compléter d’autres activités d’allure plus directe dans « l’ordre » des sociétés.

C’est ce que nous tentons de faire ici, c’est la direction que prend sensiblement et sûrement l’ensemble de notre association de libres penseurs.

Mais cette association ne peut avoir que l’efficacité proportionnelle à la quantité de ses membres, et à la dimension interne de chacun d’eux.
Ce qui m’amène à demander au lecteur s’il ne ressent pas le besoin – autre que celui de la bonne conscience – d’ajouter ses efforts aux nôtres.

André Arru


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