Témoignage de Roger Paon
Article mis en ligne le 8 juillet 2018
dernière modification le 6 mai 2018

par SKS

A l’occasion de notre courte rencontre d’hier, j’ai appris que vous prépariez, en souvenir d’André, un petit travail de mémoire.

Dans les années 50, André venait souvent à Nice, pour son travail ou pour l’activité militante. A chaque passage, il rencontrait les amis. C’était des soirées amicales, chez l’un ou l’autre, ou au cours de la réunion du Groupe. A cette époque il y avait dans notre ville de nombreux camarades italiens et espagnols, ayant laissé leur pays avant la guerre, et établis en France. Cela apportait une bonne relation avec les groupes italiens jusqu’à Gênes. Par André, nous avions les contacts avec les amis de Marseille et Toulon.

A Nice il y avait d’anciens militants pacifistes âgés. G. PIOCH, GOUTTENOIRE de TOURY. Un écrivain connu, Paul REBOUX, très sympathique, bien que très éloigné de nos idées, avait accepté de participer à nos réunions sur le plan pacifiste. Il me disait un jour « J’ai beaucoup écrit … mais je souhaite que deux livres restent : Les Drapeaux, où il fustigeait la guerre (de 14 pour lui) et Trop d’Enfants ».

Nous avions également LOUZON et sa compagne, celle-ci plus près de nos idées. Sans oublier LECOIN qui à Vence nous a permis de rencontrer quelques journalistes et artistes, dont TRENO du « Canard ». Ce dernier nous a bien aidés au cours de la grève de Lecoin pour l’obtention du statut des Objecteurs. Un jour, André vient à la maison et me demande si nous pourrions faire signer à Nice quelques noms connus pour appuyer une action. Après quelques visites traditionnelles, André me dit « Si nous tentions Prévert » à l’époque à Vence. J’avais eu l’occasion de le rencontrer, alors nous partons… Prévert nous reçoit sans façons et accepte de signer. Puis il nous demande ce que nous faisons dans la vie courante. André lui dit qu’il était représentant en jouets. Je vois encore Prévert bondir de joie. La conversation prend un tour inattendu. Il adore les jouets, pour leur invention, pour la joie qu’ils procurent. Enfin, il nous sort sa collection, nous présente ses découpages. Et comme toujours, la conversation entraîne et nous nous retrouvons sur la route de Russie où il était allé, avec un groupe d’artistes dans le début des années 20. Inutile de préciser notre intérêt pour les souvenirs et la parole agréable de Prévert. L’après-midi s’avance et quand nous sortons André me dit « Bon, ma journée est finie, mais c’était formidable ». C’était un peu la récréation et nous ne regrettions pas le temps passé avec cet artiste au parcours assez impressionnant. Sans aucun doute, André avait préféré cette rencontre aux contacts avec la Libre Pensée niçoise de l’époque. Composée de retraités, d’ un ambassadeur, de fonctionnaires et de militaires, tous anticléricaux, mais éloignés de la Pensée Libre telle que nous la ressentions. Sortant un jour d’une de ces réunions, André qui avait souvent le mot juste, me dit « On va avoir de beaux enterrements civils … mais n’espérons rien de plus … ». Heureusement, quelques années plus tard, les enterrements ayant eu lieu, la Libre Pensée s’était un peu rénovée.

Il reste peu de copains de cette époque encore en vie. Certains sont partis de Nice, les plus anciens disparus. Un groupe anar vit bien. La Libre Pensée ronronne un peu. Pour ma part, après mon opération et … bientôt 84 ans, je suis moins …présent. Ce qui n’empêche pas de se rappeler les moments agréables. Et avec André, certaines conférences étaient un plaisir autant qu’une action militante. Bon, c’est avec les excellents souvenirs que l’on accepte mieux certaines gènes dans la vie et les déplacements moins fréquents et moins faciles.

Bien amicalement à toute l’équipe de Marseille.
28.01.2003
Roger PAON [1]