Article d’André Arru paru dans le numéro 59 (avril 1960) du "Monde libertaire".
VIOLENCE OU RAISON
Article mis en ligne le 18 juin 2008
dernière modification le 30 août 2016

La violence, d’où qu’elle vienne, est faite d’arbitraire et d’injustices irréparables. Qu’elle puisse être considérée comme inéluctable par le fait de l’état mental des peuples et des conditions sociales qui leur sont faites, n’est pas une raison suffisante pour en faire une panacée. Nous nous devons, au contraire, de nous adresser toujours à la raison de l’homme, à son intelligence, à sa connaissance, à son esprit critique, à sa volonté pour qu’il surmonte ses instincts destructeurs et sanguinaires afin de construire une société harmonieuse.

Dans ce débat, une confusion paraît s’incruster, elle concerne l’interprétation du PACIFISME et de l’OBJECTION DE CONSCIENCE. Si, en effet, un objecteur est par cela même un pacifiste, le pacifiste peut, lui, ne pas être objecteur.

L’objection de conscience est un acte personnel, qui dépend uniquement de l’individu qui le pratique pour des raisons qui lui sont propres, essentielles et dans lesquelles il trouve les récompenses de ses sacrifices, qu’il soit athée ou qu’il relève d’une mystique quelconque. L’objecteur de conscience ne fait pas de prosélytisme : il objecte parce qu’il ne lui plaît pas d’obéir pour des raisons que sa conscience lui dicte. Un point c’est tout.

Cela mérite un coup de chapeau, une aide, une citation en exemple. Personne ne peut nier que si la majorité des hommes (croyants et athées) obéissaient uniquement à leurs consciences, envers et toutes contraintes, un grand nombre de problèmes sociaux seraient réglés.

Le pacifisme, lui, est une vision de l’avenir [1]et comme tel demande de la propagande, des groupements, une adaptation aux évènements et aux peuples. Comme toutes les idées, le pacifisme possède ses mystiques et ses rationalistes [2], ses tendances, ses hommes, etc. Mais le pacifisme tend au-dessus des croyances, au-dessus des gouvernements, au-dessus des partis politiques, à grouper les hommes pour supprimer toutes les guerres. Est-il possible qu’un anarchiste soit contre ce programme ?

Confondre PASSIVITE et PACIFISME, c’est affirmer sa totale ignorance de la question ou avoir un manque flagrant d’honnêteté.

C’est Gandhi qui a écrit quelque part « qu’à tout prendre, il préfère la violence à la lâcheté ». C’est grâce à la lutte menée par lui et ses adeptes que l’Intouchable a eu droit de cité aux Indes et que le peuple hindou a pu s’arracher au colonialisme anglais. Nier cela serait stupide.
Je retrouve dans le Pacte qui lie les Pacifistes de Provence, le passage suivant : « Le Pacifiste n’est pas un passif. Dans tous les cas d’agression collective, il préconise aux victimes l’emploi de la grève, de la non-obéissance, de la non-coopération, du boycott et de tous les autres moyens non-violents qui peuvent porter atteinte à la situation morale et matérielle des agresseurs... »
Est-ce de la résignation cela ?
Citer des pacifistes qui ont reculé devant leurs responsabilités pour dénigrer l’idée, n’est pas faire oeuvre objective. Tous les mouvements, tous les groupements, surtout lorsqu’ils exigent du courage de leurs adhérents,connaissent leurs faibles, leurs lâches, leurs renégats.
L’objecteur de conscience refuse de participer à toute guerre.
Le pacifiste veut instaurer la paix dans le monde entier.
Le non-violent veut éliminer la violence des rapports entre individus.
S’il existe de par le monde un seul anarchiste qui refuse ces trois propositions, c’est qu’il n’a jamais pris conscience du contenu de l’ANARCHISME.

A. ARRU


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