Hier
A l’ami qui me proposa de raconter comment j’étais venu à l’anarchie et ce qui se passait avant la guerre de 1939 au groupe anarchiste bordelais, je donnai tout de suite mon accord en lui disant que j’allais bien me faire plaisir. J’ajoute à présent que ce sont, en effet, des souvenirs parmi les meilleurs que je peux retenir de ma vie et qu’à les rechercher dans ma mémoire, à les mettre en ordre, j’y retrouve des joies certaines.
Je précise, pour être plus clair encore, que si je ne milite plus depuis longtemps à l’intérieur du mouvement anarchiste – pour des raisons qui ne se disent pas en trois lignes – cette partie de mon passé de militant ne m’est pas devenue amère pour autant et je ne renie en rien les luttes auxquelles j’ai participé, ni les espoirs qui m’animaient alors, ni les enseignements que j’y ai glanés. Si je fais un bilan du temps vécu par ma rencontre avec le mouvement anarchiste dans son sens le plus large et le plus profond (idées et hommes, rêves et réalités) je constate qu’elle m’a permis de trouver un équilibre, une éthique et pendant longtemps un sens à la vie.
Les circonstances s’enchaînent les unes aux autres, il m’est difficile de découper ma vie en tranches. Je me crois donc obligé d’expliquer un peu ce qui a provoqué mon cheminement, car d’autres incidences auraient déterminé un autre parcours.
Je me suis révolté très tôt puisque avant seize ans je quittai le domicile de mes grands-parents, avec qui j’étais en très mauvais termes, ma mère, veuve de guerre à vingt-quatre ans, m’ayant d’abord confié à eux et ensuite laissé pour compte. Je me colletais donc très tôt avec la société. Employé de bureau dès l’âge de treize ans, très mal payé et de plus incapable de mettre en ordre mes dépenses, j’appris à avoir faim au milieu des repas, à déménager à la cloche de bois, à coucher sur les bancs publics, tout en essayant de jouir de l’existence.
J’ai frôlé la prison et j’ai même failli, ô déshonneur, m’engager dans l’armée pour ne plus être à ma charge. Bref, au fil des ans, au contact direct des vacheries de la vie et de quelques-uns de mes semblables, je me forgeais des opinions.
Devenu représentant autour de mes dix-huit ans, j’évoluais dans un milieu de petits commerçants et de VRP qui serait qualifié aujourd’hui de poujadiste ou lepéniste. Contre eux mes opinions devinrent des convictions. Je me mis à défendre la Révolution russe, le communisme et tout ce qui me paraissait un aboutissement vers la justice sociale, le progrès, la paix, sans adhérer à un parti.
Un jour un ami, ouvrier imprimeur, militant syndicaliste, avec qui je discutais souvent, me proposa d’aller entendre un orateur exceptionnel, Sébastien Faure. « Un anarchiste, me dit-il, même si tu n’es pas d’accord tu passeras une bonne soirée ». J’y allai. Je ne connaissais rien de l’anarchie, ni des anarchistes. La conférence s’intitulait « Ton corps est à toi ». Elle avait lieu à l’Alhambra, près de la place Gambetta, salle contenant deux mille personnes. Ce jour-là elle fut plus que pleine. Des militants avec brassards rouge et noir accueillaient le public, distribuant des tracts, vendant des journaux. Un brouhaha intense émanait de cette foule qui accueillit l’orateur avec des applaudissements nourris et chaleureux. Le tout faisant place à un silence étonnant lorsque Sébast prit la parole.
Je ne me souviens plus des termes de son exposé, mais j’éprouvais une émotion intense et je n’étais pas le seul. Son succès fut énorme. Je sortis de là assez excité, enthousiaste. Je m’arrêtai longuement à l’éventaire de librairie. Je choisis quelques brochures et livres traitant de la révolution et de l’incroyance. Je trouvai dans ces dernières l’argumentation rationnelle qui me manquait pour clarifier mes réflexions sur Dieu et l’Eglise. La Révolution et la société anarchistes me laissaient des doutes, mais je trouvais un remarquable réquisitoire contre la société présente. De lectures en relectures et autres lectures, je finis par rejeter la vision sociale des anarchistes, mais je ne l’ignorais plus.
[(Annonce, en fin de la brochure "L’Unique et sa propriété de Max Stirner" par René Saulière, Editions Lucifer, 1939)]
Par une suite de nouvelles rencontres, je fis la connaissance d’un petit noyau d’anarchistes à tendance individualiste dont l’élément le plus remarquable était Serge Grassiot, autodidacte, parlant et écrivant l’espagnol et l’anglais, apprenant le russe et l’allemand, possédant une culture générale éclectique, une curiosité sans fin. Il vivait dans un petit logement d’une maison modeste du cours d’Albret, avec sa compagne et sa fille Sergine. Il gagnait très mal sa vie en vendant à la criée L’Echo de Paris, journal d’extrême-droite monarchiste. Il devait placer un certain nombre d’exemplaires, tous les jours, pour toucher un salaire fixe quotidien très bas, en plus d’une ristourne par journal vendu. Il lui arrivait assez souvent de « manger du papier », c’est-à-dire qu’il réglait les journaux non vendus du quota imposé. Cet emploi de gagne-petit lui permettait d’avoir beaucoup de temps libre. Heureusement sa compagne travaillait aussi ! Après 1936, son emploi devint de plus en plus précaire et son salaire de plus en plus petit en rapport du coût de la vie ; il entra à la SNCF, qui l’envoya à Caen. Ce fut pour lui, pour moi, une séparation pénible. Elle se termina en catastrophe. En 1941, il trouva la mort sous un bombardement.
Autour de Serge d’autres compagnons anarchistes ou anarchisants venaient discuter soit chez lui, soit dans des petits bars devant un café-crème, boisson inoffensive pour la santé et le porte-monnaie. C’est ainsi qu’au fur et à mesure des lectures et des discussions, souvent passionnées, je devins anarchiste.
Nous abordions beaucoup de thèmes. Ceux habituels à tous les anarchistes contre l’Autorité et ses corollaires : l’Etat, la Justice, l’Armée, les Religions, les Morales ; mais aussi les problèmes à l’échelle de l’individu : la liberté sexuelle, le combat contre la jalousie, la camaraderie amoureuse (chère à E. Armand), le végétarisme et ses différentes options, le nudisme, l’évasion de la société, etc… Ces discussions n’étaient pas que parlottes, car nous essayions de mettre en pratique la part possible des idées qui nous travaillaient. Ce fut de justesse que nous ne partîmes pas au Paraguay pour vivre en communauté.
Ce petit groupe que nous formions avait tout naturellement des relations étroites avec le groupe libertaire disons « officiel » qui était animé par Aristide Lapeyre. Les réunions se faisaient dans une salle au premier étage d’un café de la rue de Cursol. On m’y amena et j’y retournais de temps en temps, surtout lorsqu’il s’y donnait des causeries pour la plupart d’autant plus intéressantes que mon ignorance était grande.
Et puis, c’était dans l’ordre des choses, je fis connaissance avec le Salon. Le « Salon » était la plaque tournante où se rencontraient des anarchistes de Bordeaux, du sud-ouest et d’ailleurs, lorsqu’ils avaient à prendre contact ou quelque chose à se communiquer, accessoirement ils s’y faisaient couper les cheveux car il s’agissait d’un salon de coiffure [1]. Entre les deux guerres on y trouvait Aristide et Armand Maurasse, « un noir gigantesque » comme le décrivait La Petite Gironde lors de l’affaire de stérilisation.
Laurent Lapeyre vint se joindre à cette équipe et un peu plus tard on y rencontra souvent Paul Lapeyre qui ne devint coiffeur qu’après la guerre. La boutique était petite, la devanture simple, vitrée. Passée la porte, à droite, des chaises la plupart du temps occupées par des clients, compagnons et/ou amis qui attendaient, les uns pour passer sur l’un des fauteuils, les autres pour disparaître avec Aristide dans l’arrière boutique.
Face aux chaises d’attente les deux fauteuils, devant eux les meubles supportant les lavabos, étagères, placards et tout le nécessaire à l’art de la coiffure masculine. A l’extrémité de ce meuble, près de la vitrine, un petit monticule d’imprimés s’y trouvait et se renouvelait régulièrement : Le Libertaire, l’En-Dehors, La Patrie humaine, des tracts, des brochures, etc. Les visiteurs y puisaient à leur gré en posant quelque part le montant de l’acquis. Au fond du salon il y avait une arrière boutique, toute petite d’autant qu’elle était encombrée de journaux, livres, brochures, tracts, affiches qui s’empilaient le long des murs. C’était un lieu de conciliabules, c’est là sans doute qu’une partie de l’affaire de stérilisation s’organisa.
Le Salon ! Un lieu de communication chaleureux et discret où anars, sympas, connaissances ayant besoin de services personnels courants ou un peu en marge, y défilaient. La police aussi de temps en temps y surgissait. Ayant cru y trouver des bandits et y rencontrant des gens cultivés et amènes, elle en devint presque courtoise dans ses apparitions. Ce « Salon » aurait du être conservé par les anars bordelais et transformé en Musée, car ses murs suintaient plusieurs décennies de l’histoire de l’anarchie et des anarchistes.
C’est lors d’une visite au salon que je m’abonnai à La Révolte [2] et c’est à cause de cet abonnement que je fus un jour convoqué par le commissariat de police de mon quartier. On voulait vérifier si je n’avais pas été opéré et « accessoirement » si « on » ne m’avait pas fait de propagande anti-conceptionnelle. Le flic qui m’interrogea voulut constater de visu que je n’avais pas été « châtré » [3] – mais ne prit pas tout de même les choses en mains – et devant mon ignorance sur cette affaire, il me fit cette réflexion désabusée : « Naturellement VOUS NON PLUS ne savez rien » . Nous étions, en effet, des centaines comme ça à « ne rien savoir », mais moi c’était vrai. Je ne faisais pas encore partie du groupe et ne le fréquentais que par à-coups, j’étais passé à côté de l’information. Je le regrettais beaucoup.
La campagne de presse, la stupidité des inculpations, l’arrestation d’Aristide, d’André et Andrée Prévôtel, de Bartosek, pour des faits qui n’étaient même pas prévus par la loi, déclenchèrent en moi un réflexe de solidarité et de combativité. J’adhérai au groupe et me mis à militer.
Aristide fut libéré trois mois après son arrestation. Cette affaire avait provoqué un élan parmi les anars et les réunions devinrent plus vivantes, plus suivies. En dehors des réunions de groupe et des grandes conférences, Aristide avait créé l’Ecole rationaliste, une sorte d’apprentissage au militantisme. Le nom, pas trop voyant, nous permettait d’avoir une salle à l’Athénée municipal, bâtiment géré par la ville. C’est dans l’une d’elles que la dite école tenait ses assises. J’y appris beaucoup de choses dans le domaine des théories, mais aussi sur le plan pratique. Par exemple comment parler en public, répondre à un interrogatoire de police, rédiger un article, écrire un poème.
Nous nous exercions aussi à faire des exposés. Et c’est dans ce cadre que je fus appelé à faire le mien sur L’Unique et sa propriété de Stirner. Je venais de lire cette œuvre et j’en étais emballé. Je le suis toujours. Comme j’en parlais entre copains avec passion, Paul me tendit gentiment un piège, j’y fonçai et me retrouvai deux mois plus tard expliquant en vingt minutes cinq cents pages de philosophie. Je n’aurais pas aujourd’hui cette inconscience, mais ce travail ne me fut pas inutile.
Sur ces entrefaites le groupe acquit un local rue Neuve, rue étroite et bien vieille comme il se doit. On s’y affaira : maçonner, peindre, fabriquer des sièges, etc, on y construisit même une scène et on y donna des spectacles. Dans l’un d’eux Aristide, grimé, monta sur scène et chanta… C’était faux à pleurer, mais tout le monde rit beaucoup [4]. C’est quelques temps après la libération de Bartosek qu’Aristide, un jour que je passais au salon, m’informa que les opérations de vasectomie recommençaient et que si cela m’intéressait… ça m’intéressait… Quelques temps après nous partions, six dans une Celta-quatre qui appartenait à la Librairie des Bons Livres [5] où j’étais employé, pour nous faire opérer chez Thérèse, une énergique et excellente militante, à la Faute-sur-Mer en Vendée. Opérations et aller-retour dans la même journée, ou plus exactement un retour au petit matin pour reprendre le boulot [6]. Et les opérations continuèrent au fur et à mesure dans toute la France jusqu’à la guerre je crois bien.
Il y avait un autre aspect libertaire actif à Bordeaux, c’était l’anarcho-syndicalisme lié à la CGTSR [7] dont les membres se réunissaient à l’ancienne Bourse du Travail, rue de Lalande. Paul en était un des animateurs. Roux dit Bébert en fut un militant acharné. Très bons copains Bébert et sa compagne, c’est chez eux que j’ai dîné le soir de mon départ sur Marseille le 12 février 1940, sous le nom d’André Arru. Le vrai Marcel André Arru, réformé définitif, m’avait donné son livret militaire.
Cette activité syndicale qui eut ses succès propres par des meetings et des manifestations qui rameutaient du monde, était en osmose avec le groupe anarchiste et nous militions pratiquement ensemble pour les choses importantes. Il en fut ainsi pour l’affaire des stérilisations. Il en fut de même lorsqu’il s’est agi d’apporter de l’aide à nos camarades d’Espagne de la CNT-FAI qui se battaient pour endiguer le fascisme franquiste. Aide et solidarité, nos groupes anarchistes de Bordeaux et d’ailleurs eurent leurs possibilités vite submergées. Parmi les compagnons certains sont partis se battre là-bas, d’autres cherchaient des armes ici, d’autres des vêtements, d’autres encore s’occupaient des orphelins, tentaient de faire évader des camarades des camps français, les cacher, les faire partir…
C’est en 1938 que le groupe organisa une conférence avec Sébast à l’occasion d’un de ses retours d’Espagne. Il fut extraordinaire. Il nous décrivit avec amour, tendresse, grandeur, espoir, la révolte de ce peuple qui, écrasé de misères et d’injustices, tentait de mettre en place une société de liberté et de justice sociale, malgré les combats qui lui étaient imposés. Cette voix, cette intelligence, cette pensée, bouleversaient l’auditeur. Ah ! qu’elle était belle cette tentative révolutionnaire sous le charme de sa parole, sous l’intonation de sa voix ! Toute sa vie il l’avait propagée et là, au soir de son existence, elle arrivait comme une apothéose ! c’est vrai aussi qu’il ne pouvait ignorer les dissonances, ni le sombre avenir qui se dessinait, mais il vivait son rêve et nous offrait ce soir là SA Révolution ! Il avait soixante-dix neuf ans, il mourut à quatre-vingt quatre en pleine guerre mondiale !
Nous avions annoncé que Sébast serait le lendemain soir présent à notre siège et nous invitions compagnons et sympas à venir lui poser des questions. Nous n’avions jamais vu réunis, dans notre local, autant de libertaires. On refusa même du monde par manque d’espace. Mais nous n’eûmes pas besoin de chercher une autre salle, la semaine suivante le nombre des présents revenait aux normes habituelles.
Début 1939 Aristide informa le groupe d’un projet de création d’une "Ecole expérimentale " dans la ligne de celles de Francisco Ferrer en Espagne, mais plus encore, peut-être, il pensait à « la Ruche » de Sébast, ouverte avant la guerre de 1914 et morte à cause d’elle [8]. Les choses avancèrent très vite. Je me rendis au mois de juillet avec Aristide à Feugaroles dans le Lot-et-Garonne. J’y rencontrai Duverger – Fred Durtain [9] – qui était dans l’enseignement public (conseiller pédagogique me semble-t-il) et qui serait, tout en gardant son emploi, le conseiller administratif. Le directeur officieux – parce que réfugié espagnol -, Vergel professeur dans une école Francisco Ferrer en Espagne, était déjà sur place et s’occupait de l’installation.
Duverger nous fit visiter la maison qu’il avait mise à notre disposition et qui comprenait, au rez-de-chaussée les classes, au premier étage le logement pour les enfants et les éducateurs. Déjà les lits étaient en place. De l’autre côté du chemin qui bordait la future école, on entrait dans un vaste terrain cultivé et destiné à devenir exploitation agricole dont la production serait une aide économique. Une autre partie servirait à l’enseignement pratique : maraîchage, petit élevage et autres métiers.
L’enseignement se réfèrerait à des méthodes alors nouvelles données sur la base de connaissances théoriques appuyées sur l’observation et les pratiques professionnelles. L’école avait déjà un nom : L’Envol. Dès octobre 1939 elle ouvrirait ses portes. Aristide organiserait la récolte des fonds, il avait déjà commencé. Nous n’avions pas prévu la guerre ! En août 1944 j’interrogeai par lettre Aristide sur la reprise possible de ce projet. Le 13 septembre 1944 il me répondit : « …Maintenant l’Ecole. Hélas ! Nos deux « techniciens » nous échappent. Le professeur espagnol Vergel qui avait l’expérience des réalisations passées, était, en 1941, quand j’ai été arrêté, au Camp de Concentration du Vernet. Je n’ai plus eu de nouvelles depuis. Quant à notre ami Duvergé (Fred Durtain), la Gestapo l’avait tellement malmené qu’il en est mort l’année dernière. Or, c’était lui l’âme de l’Ecole. Pour le moment, donc, notre projet nous paraît irréalisable… »
Depuis longtemps déjà la guerre menaçait ; en 1938 il y eut un prélude qui déclencha en France une mobilisation partielle. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises (dix à douze copains) pour tenter de concrétiser une action contre la guerre si la mobilisation générale était déclarée ou une insoumission collective dans des caches, mais rien n’a été décidé.
Sur ce, un camarade, employé de préfecture, nous apporta les copies de comptes rendus très détaillés de nos réunions de groupe. Il y avait donc un mouchard parmi nous. On essaya de le démasquer en lui tendant des pièges. Je crois me souvenir que nous eûmes des soupçons, mais pas de certitude.
Et puis fin août 1939 ce fut la mobilisation partielle suivie, quelques jours plus tard, de la mobilisation générale. Au fond personne n’y avait cru à cette guerre, même pas ceux qui, comme nous, le prédisaient. Les compagnons les plus connus étaient en danger d’être arrêtés. Il ne restait que les réactions individuelles. Chacun réagit suivant sa nature, son dialogue intérieur et ses possibilités. Quant à moi je me cachai pendant six mois et à bout de caches je partis sur Marseille. J’y suis encore.
René Saulière dit André Arru
Post-scriptum
Le groupe anarchiste de Bordeaux entre 1934 et 1939
Lorsque j’y ai milité il faisait déjà partie de la FAF (Fédération anarchiste de langue française) comme la plupart des groupes du Sud-ouest.
Cette scission d’avec l’UA (Union anarchiste) était due à une conception différente des structures d’une association anarchiste.
Des militants de l’U.A. étaient arrivés à mener cette dernière vers le système majoritaire qui aboutit à l’intolérance vis-à-vis des minorités et des individus. Ce qui amena d’autres militants, en désaccord avec les méthodes employées à se séparer de l’U.A. et à créer la F.A.F. Aristide en fut un des militants très actif. C’est du reste un problème de toujours et d’encore chez les anars.
Le groupe bordelais fonctionnait sans carte, les cotisations étaient volontaires. Il y avait un trésorier et un secrétaire. Nous avions une réunion fixe hebdomadaire où tous les présents décidaient ce qu’ils avaient envie d’entreprendre, participait qui voulait.
Il arriva ainsi qu’entre les réunions du groupe, de l’école, le collage d’affiches, les répétitions pour une fête ou autres entreprises, toutes nos soirées étaient prises, même aussi le dimanche matin.
La réunion hebdomadaire regroupait entre quinze et trente militants et militantes. Ceux des nôtres qui ne venaient que rarement ou même jamais aux réunions du groupe – pour des raisons qui ne leur étaient pas demandées – restaient en relation par le moyen du salon et de copains. Ces camarades auxquels il faut ajouter les sympas et les reconnaissants de services rendus, donnaient de sérieux coups d’épaule (argent, travail, intercessions, aides de toutes sortes).
Dans ce milieu anarchiste bordelais, où j’ai vécu, régnait une ambiance chaleureuse, agréable, tolérante, où chacun pouvait s’exprimer, se mouvoir, et trouver aide, appui et solidarité. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait eu ni divergences, ni heurts, ni discussions virulentes, ni incidents graves. Mais, en ce qui me concerne, ce qui émerge de mes souvenirs c’est l’atmosphère faite de largesse de vue, d’amitié, d’estime de l’autre. Aristide y était pour beaucoup.
R.S.