Article d’André Arru paru dans {LA CALOTTE} ( n° 220 de daté de décembre 1975)
PORNO
Article mis en ligne le 28 juin 2009
dernière modification le 27 mai 2009

Je n’ai jamais compris la différence entre ce qui est dit « porno » et ce qui est érotique. A lire, à entendre les autres, j’en déduis que l’érotisme c’est « l’art » de la pornographie et la pornographie la « vulgarité » de l’érotisme. Mais dans ce domaine des nuances, l’accord est impossible, chacun parle pour soi : l’art, où commence-t-il ? Et la vulgarité ?

Ainsi, le film (c’est un exemple) « Le dernier tango » a été classé dans les érotiques. Je reste perplexe. Je suis tenté de penser, en effet, que la séquence où le beurre sert à « l’intervention » est sans aucun doute cocasse mais d’un porno provoquant à l’extrême.

Depuis ce film du reste, les choses ont changé. La censure au cinéma n’étant plus ce qu’elle était. On peut voir aujourd’hui, dans tous ses détails et différentes applications, l’acte sexuel qui était jusque là (et encore depuis peu) simulé. Cette nouvelle liberté empêche de dormir la plupart des critiques cinématographiques et autres esthètes (je ne parle pas des moralistes, ceux-là...) qui s’inquiètent du prétendu envahissement des salles de cinéma par les films dits pornos. A regarder de près, il n’y a pas envahissement mais mise en place d’une nouvelle vision cinématographique qui intéresse semble-t-il un public assez nombreux [1]. Mise en place publique d’une institution qui jusque-là était clandestine, et qu’on appelait alors le « cinéma cochon ». Ce dernier, comme les maisons de rendez-vous, de massages spéciaux, etc., était réservé à un milieu aux bourses pleines, je veux dire possédant des moyens financiers importants. Milieu très divers ; qu’il est convenu d’appeler dans la capitale le Tout Paris, qui existe aussi en province, et dont les composants ont un dénominateur commun : l’argent.

Alors, je me réjouis de voir disparaître un des privilèges des manieurs de pognon et tant pis pour les pisse-froid qui au nom de l’art réclament une nouvelle censure, en s’en défendant, ce qui est un comble.

Eh bien oui, je prends la défense de ceux qui préfèrent voir un sexe bien raide et frémissant en pénétrer un autre rose, humide et moustachu, plutôt que de regarder des images de balles, déchirant des peaux, faisant gicler du sang et où les frémissements sont des hoquets de moribonds.

Oui, je préfère assister au rythme de corps qui se ruent l’un sur l’autre, plutôt qu’à l’aboiement des mitraillettes. Les halètements, les gémissements de l’amour me sont plus agréables que les courses poursuites vers la mort et les grimaces de la peur panique.

Je pourrais ainsi pendant des pages et des pages comparer la joie de vivre que représentent des être pratiquant l’acte sexuel aux tristes exploits des cow-boys, gangsters, policiers et autres tueurs, ou encore aux drames de la jalousie.

Je pourrais aussi faire de la vulgarité comparée, en opposant aux films pornos les comiques style « gendarme de Saint-Tropez », ou encore mettre en parallèle les mines et défroques de personnages de reconstitution historique : généraux, évêques, hommes d’Etats, etc... aux nus des deux sexes, souvent très beaux, que nous présentent les bandes pornos.

Je pourrais... mais restons-en là.

Faire l’amour, c’est une des occupations et des préoccupations de la vie de presque tous, au point qu’aujourd’hui les écoles catholiques font aussi de l’éducation sexuelle (de quelle qualité ? c’est une autre histoire). Le cinéma porno ou érotique – qualifiez-les comme vous voudrez, c’est la même chose -, est une forme d’éducation pour les adultes. Sa vision peut être la délivrance d’une obsession, pour d’autres il est une découverte, une joie, une détente, un refuge, une forme de connaissance, un défoulement. Il s’ajoute à la littérature de la même veine qui elle aussi propose une infinie variété de talents.

Et si beaucoup de ces films sont souvent mal faits, sans recherche, donnant au spectateur l’essentiel de ce qu’il veut trouver : les sexes et leurs fonctionnements [2], disons que ce cinéma porte en lui, encore, les tares de sa clandestinité passée. La liberté lui apportera le moyen de devenir majeur, il est pour le moment dans l’enfance.

Alors, pourquoi pas le porno, ne serait-ce que parce qu’il est, sans nuire à personne, une des expressions de cette liberté qu’il faut dans tous les domaines et à tous les moments défendre ?

André ARRU


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