Article d’André Arru paru dans {La Raison} n° 93, avril 1965
Et vive la liberté de conscience
Article mis en ligne le 26 septembre 2010

Cela se passe à Aix-en-Provence, le vendredi 5 mars [1], à 21 heures. La Libre Pensée a organisé une conférence publique et contradictoire sur le Concile. Malgré la période des élections, la salle est bien garnie. Au moment d’ouvrir la séance, quelques jeunes gens entrent, puis encore d’autres, au total une vingtaine. Certains restent debout malgré l’invitation courtoise du Président, qui offre les sièges encore inoccupés. Déjà c’est le chahut, ricanements, cris, etc. Le Président de la réunion enfle la voix, mais il y a un porte-parole de cette jeunesse bruyante, l’un des siens chuchote : « Tu te dégonfles ?... ». Alors, il interrompt l’orateur, les autres hurlent, l’applaudissent, trépignent. Un professeur essaie de calmer cette effervescence. En vain, cette jeunesse excitée est venue pour empêcher le conférencier de parler. Le Président ne pouvant ramener le calme demande au plus énervé d’expliquer ce que lui et son groupe désirent. Le porte-parole se lève : « Il est honteux, nous dit-il, que dans un pays chrétien, un prêtre renégat puisse prendre publiquement la parole. De plus, l’erreur n’a pas le droit de s’exprimer au même titre que la vérité… L’Abbé Las Vergnas ne parlera pas… ». Cette fois, c’est le public qui se fâche et proteste. Puis des rangs de ces jeunes étudiants, nationalistes sans aucun doute, on entend l’un d’eux qui crie « Viva Franco ».

Georges Las Vergnas lors d’une autre conférence au Cinéma La Plaine à Marseille
Georges Las Vergnas lors d’une autre conférence au Cinéma La Plaine à Marseille. A côté André Arru.

Un auditeur s’approche de la bande d’énergumènes, il est pris à partie, puis frappé.

Tout à des limites, même la patience des libres-penseurs. En quelques minutes, les forcenés sont corrigés et éjectés…

Courageusement, ils reviendront un peu plus tard à la charge jeter une poubelle contre la porte de la salle et s’enfuiront à nouveau.

La réunion s’est terminée à minuit et Las Vergnas en fera encore cinq autres dans la région.

Ces jeunes gens sont-ils responsables ? Je ne le crois pas, ils sont victimes d’une éducation, d’une morale : ils sont le produit du catholicisme, certains ajouteront l’épithète intégriste, ce qui veut simplement dire qu’ils sont intransigeants quant à l’autorité tant spirituelle que temporelle de l’Église.

Il est bon de tenir compte que les intégristes ne se recrutent pas uniquement dans la jeunesse.
Il est remarquable de constater que ces jeunes de 20 ans se sentaient en possession de la Vérité, qu’ils voulaient faire taire l’erreur. Ce n’est tout de même pas par hasard, ce n’est pas un simple égarement, ils sont bien le résultat d’un enseignement, d’une morale.

Au travers d’hommes plus âgés, plus diplomates, plus laxistes, l’Église tente d’apparaître comme tolérante. En fait, son enseignement produira toujours des intégristes qui ont reçu la vérité en dépôt et qui voudront la faire triompher vite. Ceux-là, demain comme hier, allumeront les autodafés, les bûchers, serreront les garrots… à moins qu’ils ne soignent leurs plaies et bosses pour s’être attaqués à de pacifiques mais énergiques partisans de la Liberté.

André Arru

[(Sur Penser libre - Les amis d’André Arru, une note de lecture est consacrée à l’un des livres de Georges Las Vergnas "Pourquoi j’ai quitté l’Eglise Romaine" paru en 1956, et toujours intéressant pour éclairer une démarche qui reste malheureusement rare : http://penselibre.org/spip.php?arti....)]


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