Courte biographie (2ème partie)
Article mis en ligne le 6 septembre 2011
dernière modification le 9 juillet 2011

par SKS

1959

Fondée en 1959, l’Union des Pacifistes de Provence vivra quelques années, avec des membres sur Marseille et les Bouches du Rhône mais aussi le Var et les Alpes Maritimes, puis André rejoindra l’Union des Pacifistes de France dont il restera un membre fidèle et convaincu.
A la même époque, avec des camarades de sensibilité libertaire, il crée, au sein de la Fédération des Libres Penseurs des Bouches du Rhône, le Groupe Francisco Ferrer, dont l’activité va vite devenir importante.
En 1961, André représente la Libre Pensée au Comité Départemental d’Action Laïque, et au Comité de Défense Antifasciste.

Le Congrès National de la Libre Pensée de 1962 accepte le projet, présenté par André, d’une exposition permanente et itinérante. Le travail de récolte des documents puis de leur mise en valeur va durer deux ans. Une charge énorme, pour laquelle il est aidé par quelques camarades de Marseille, mais dont il va porter la réalisation quasiment seul. L’exposition, intitulée « De l’esclavage vers la liberté » tournera dans plusieurs villes de France, avec chaque fois un grand succès, et des réactions contrastées, la colère des cléricaux se manifestant de manière parfois violente et grossière.

André est membre de la Commission Administrative Nationale, responsable de la propagande, de 1963 à 1966, puis il se retire pour se consacrer davantage aux activités du Groupe Ferrer et de la Fédération Départementale.

André était resté à la Fédération Anarchiste : « J’y suis retenu surtout sentimentalement ! 25 ans de présence cela compte ! Mais à part quelques bons copains, que valent les autres ? et puis que vaut la FA sans la pratique ? rien.
 » [1]. En 1965, il lui est demandé de faire acte de présence au groupe de Marseille, ou d’adhérer individuellement. Il refuse et déclare que puisqu’on le met à la porte de la classe, il préfère quitter l’école.

Un local pour la Libre Pensée

C’est aussi en 1965 que les Libres Penseurs des B. du Rhône ont pu faire l’acquisition d’un local, situé à Marseille, 11 rue Saint Vincent de Paul. Jusque là, les réunions se tenaient dans une salle prêtée par les Amis de l’Instruction Laïque, 29 rue Mazagran. Financièrement, une rente viagère était versée aux deux camarades qui avaient avancé les sommes nécessaires. Concrètement, il avait fallu transformer un entrepôt de matériel de maçonnerie doté d’une arrière-cour, en deux salles assez vastes pour accueillir une centaine de personnes. Les camarades qui en avaient les moyens physiques s’étaient mués en maçons, menuisiers, peintres, ou tout simplement manœuvres. Jusqu’à sa vente en 1997, le local sera le lieu privilégié des activités de la Libre Pensée et plus particulièrement du Groupe Francisco Ferrer : Congrès, conférences-débats, ciné-club, expositions, confection du bulletin, mais il sera aussi le siège de plusieurs organisations proches. Un moment particulier : l’hébergement du M.L.A.C. [2], alors indésirable ailleurs.

En 1968, André effectue un important travail d’archivage d’un très grand nombre de documents (certains ayant été réunis pour l’Exposition mentionnée plus haut) et les adresse à la Fédération Nationale à Paris où un local vient d’être acheté.

De 1968 à 1982, André assure, avec l’aide de quelques membres du Groupe Francisco Ferrer, la réalisation d’un bulletin trimestriel qui peu à peu devient une revue, « La Libre Pensée des Bouches du Rhône ». Y paraissent des articles de Charles-Auguste Bontemps, Giovanni Baldelli, Jean Champagne, Jeanne Humbert, Albert Joël, Imbert-Nergal, Roger Monclin, Alain Kersauze, Albert Potvin, Francis Ronsin, auxquels s’ajoutent les contributions de collaborateurs réguliers parmi les libres penseurs de la région.

En 1973, la Fédération des Libres Penseurs des BdR prend son autonomie, à la suite d’ une malversation opérée par un membre important du Bureau National, acceptée par le trésorier et cachée à l’ensemble des adhérents de base, et même un temps à d’autres membres de la C.A.N ! Comportement en totale contradiction avec les idéaux professés par le mouvement. L’espoir d’entraîner un changement, soit au sein de la Fédération Nationale, soit par la naissance d’une autre association de Libres Penseurs, s’avère irréalisable. (Cette position d’autonomie reste d’actualité. Mais ce sujet serait à développer dans un autre numéro de notre publication).

1983 : André Arru découvre l’A.D.M.D.(Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité) et y adhère aussitôt. La même année, il décide de transmettre ses responsabilités. Un nouveau bureau est nommé, constitué de membres des associations amies utilisant le local.

Une vie différente

C’est alors une période de vie tout à fait différente qui s’ouvre pour André. Il réalise ce que jusqu’alors son activité militante, qui absorbait presque tout son temps libre, ne lui avait pas permis de faire : tourisme en France et à l’étranger, expérience de la voile ( à soixante et onze ans…) et aussi la réalisation de ses mémoires, qu’il entreprend à plusieurs reprises, laissant différents textes, toujours très vivants et pleins de réflexions profondes. La présente biographie en contient quelques bribes, celle qui paraîtra ultérieurement, plus complète et plus développée, en donnera de très larges extraits.

1990 : la guerre du Golfe éclate, l’Irak après avoir envahi le Koweit se trouve lui-même attaqué par les Occidentaux. Nous sommes quelques-uns de l’Union Pacifiste à nous reconnaître dans la foule des manifestants qui disent non à la guerre. Quelques mois plus tard, la section de l’Union Pacifiste de Marseille est créée, André s’y engageant avec son sérieux et sa conviction de toujours. Les conflits se succèdent sur la surface du globe, André rédige le « 4 pages » édité par l’U.P. Marseille sur l’ex-Yougoslavie. La vente du local ayant été l’occasion de renouer des contacts, la Libre Pensée Autonome qui sommeillait voit renaître son activité.

1995 : André rédige pour la revue « Itinéraire » un témoignage sur Voline.

Mars 1998 : L’Union Pacifiste, le C.I.R.A. et l’A.P.O.C. [3] organisent conjointement une « Semaine pour la Paix  », à laquelle vient Maurice Montet. André est interviewé sur son vécu d’insoumis de la guerre 39/45 par Radio-Galère.

Octobre 1998 : André est victime d’un accident vasculaire cérébral. Ses derniers mois de vie sont difficiles et douloureux. Il ne supporte pas les effets conjugués de l’âge et de la maladie, considérant qu’ils attentent à sa dignité et à brève échéance compromettent son autonomie. Il décide de disparaître, le 2 janvier 1999, après avoir mis en évidence sa carte de membre de l’A.D.M.D. et divers documents exposant ses convictions et ses volontés.

Les lignes qui précèdent, dans lesquelles j’ai tenté de respecter un déroulement chronologique, ne font pas suffisamment découvrir les multiples facettes d’une personnalité comme la sienne.

Bien sûr, anarchiste, antimilitariste, pacifiste, libre-penseur, individualiste, athée, foncièrement rebelle et insoumis.

Mais aussi témoin lucide, toujours prêt à se remettre en questions, même si son engagement et sa force de conviction le faisaient apparaître à certains comme intransigeant et obstiné.

Il écrit ainsi : « Je crois que je ne vis merveilleusement qu’en luttant. Dommage qu’aux moments de repos, lorsque je réfléchis, je constate l’inutilité de cette agitation » [4] et « Il est pénible de militer et de se poser en même temps des questions sur l’utilité de la tâche accomplie…Mon activité s’insère-t-elle dans un cadre nécessaire ou fais-je partie de ce folklore politique et philosophique du passé ?  » [5] et encore «  …je ne crois plus à grand-chose sur le plan social. L’humanité ne peut hélas être harmonieuse. Le chaos c’est la vie. Toute tentative d’ordonner ce désordre est un leurre qui débouche ou sur un dogme ou sur des désillusions. Ou encore sur une sagesse mélancolique. C’est je crois cette dernière voie que je prends…  » [6].

Cette pratique du doute systématique, de la prise de distance vis-à-vis de l’action militante ne l’ont pas empêché d’entreprendre.

Il fut un orateur brillant, chaleureux, persuasif, sans complaisance ni démagogie. Pour le mouvement libertaire comme pour la Libre Pensée et l’Union Pacifiste, il traita quantité de sujets, préparant ses interventions avec une méthode de travail acquise auprès d’Aristide Lapeyre et de son École d’Orateurs : collecte de documents, mise au point d’une « trame » avec ce qu’on nomme aujourd’hui des « mots-clés » et jamais de lecture, sauf pour les citations. De nombreux conférenciers sont venus dans la région, André organisait les tournées avec compétence et efficacité.

Écrire des articles, contribuer ainsi à la diffusion des idées, était pour lui un acte militant, car il avait peu confiance -à tort- en ses capacités. Il a également entretenu une abondante correspondance, dans laquelle il exprimait ses réflexions personnelles, ses doutes, ses espoirs.

Il faudrait aussi rappeler le rationaliste qu’il était, passionné par les avancées scientifiques, le militant des droits des individus, et par conséquent des femmes, le propagandiste de l’éducation nouvelle, celle de Ferrer, de Robin, de Sébastien Faure mais aussi de Neill et de Freinet. Défenseur des sites naturels, bien avant l’arrivée sur la scène politique des écologistes, partisan d’une vie saine et donc naturiste.

Et enfin son engagement pour le Droit à Mourir dans la Dignité, et comme chaque fois qu’il s’est agi pour lui de ses convictions profondes, sa mise en actes le moment voulu.

Sylvie KNOERR-SAULIERE


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