Textes autobiographiques 7
Partir (2)
(Ce titre n’est pas d’André Arru mais de la rédaction)
Article mis en ligne le 15 août 2013

par SKS

Ma grand-mère me poursuivait avec je ne sais quoi à la main pour me frapper. Je grimpais quelques marches de l’escalier qui menait aux chambres et me retournais en criant avec violence : ne me touche pas ! Elle n’osa pas et murmura à mon grand-père qui avait suivi : il a un regard d’assassin !

Cette dispute qui était la suite de bien d’autres fut la dernière. J’avais quinze ans. Je montai dans ma chambre, refusant de manger – pour punition je devais faire table à part. La porte fermée, je m’écroulai en sanglots sur le lit. A deux heures j’étais à mon travail d’employé de bureau.
Ni mes grands-parents ni moi ne cédèrent. J’emportais à manger dans ma chambre jusqu’à ce que la fin du mois arrive. J’informai alors mes grands-parents que pour le moment je gardais ma chambre mais qu’en dehors de cela ils ne m’auraient plus à charge. Je vivrais avec mon gain, je partirais dès que possible. Ce fut accepté. Six mois après, je quittais les lieux, j’avais loué une chambre à 150 francs par mois, j’en gagnais 350 !

C’était l’aventure, et quelle aventure ! Le tournant de toute une existence. Deuxième tournant, puisque le premier avait été la mort de mon père, qui eut pour résultat que ma mère, pour mieux se débrouiller, me confia à ses parents et par la suite trouva bien de m’y laisser. Elle ne m’abandonna pas tout de suite, vint me voir une fois par an ; elle vivait à Paris, moi j’étais à Bordeaux. Elle me prit même pendant trois trimestres pour me mettre pensionnaire dans un lycée, puis me ramena pour les vacances et me laissa à nouveau. Les nouvelles se firent plus rares, les visites plus rares encore. Et lorsque je partis de chez mes grands-parents, il y avait bien deux ans qu’elle n’écrivait plus, ni à eux, ni à moi. Je l’informai de ce départ. Je n’eus pas de réponse.


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