"Lorsqu’on milite..."
Article mis en ligne le 11 octobre 2011

par SKS

Extrait d’une lettre d’André Arru à Paul Lapeyre (non datée mais citée dans son journal en janvier 1987) :

« Lorsqu’on milite, on vit avec son rêve, on décolle de la réalité des choses et des gens. On vit avec, autour de soi, des camarades, des amis qui font le même rêve. On se déchire sur des détails mais on est d’accord sur le fond, tout au moins en apparence. Dès qu’on se réunit, c’est une sorte de rêve collectif qui se concrétise : demain est là, il faut aller vite, très vite, pour faire entrer le rêve dans ce lendemain qui chante.

C’est là que commence la dispute qui s’aggrave chaque jour car demain reste toujours demain comme chez le coiffeur ! Ajoutons à cette ambiance les lectures qui ne sortent en général pas du cadre de l’idéal choisi. Elles sont militantes. Et lorsqu’on daigne lire « l’adversaire » c’est pour se documenter avec la recherche de l’argument contre.

Militer sérieusement c’est se donner à une passion, c’est sans s’en rendre compte clairement se couper avec la tendance à l’objectivité. On n’a pas le temps. On milite. On agit. On réfléchit sur les combats à mener, les actions à enclencher, les obstacles à franchir. Impossible de prendre des distances avec soi-même, son milieu, son environnement. Et lorsque à la suite de déceptions, de ruptures, on est effleuré par le doute, on repousse à plus tard l’examen sérieux, en profondeur. Et on repart dans la bataille sans s’être reposé les problèmes, sans avoir mis à jour les inquiétudes, les questions sans réponses ou avec d’autres réponses. »

André Arru