Extraits de lettres entre André Arru et Lucienne Louberry
Article mis en ligne le 19 juin 2012
dernière modification le 15 juin 2012

par SKS

Lucienne Louberry était une militante de la Libre Pensée de Gironde. André Arru avait gardé de nombreux contacts et des amitiés solides avec celles et ceux avec qui il avait partagé les années de vie dans le Sud-Ouest.

Le 1er août 1978 :

« D’abord une précision : ce n’est pas MON bulletin, ce n’est pas MA Libre Pensée Autonome. L’un et l’autre sont le résultat d’activités collectives, d’opinions discutées. Si la Libre Pensée Autonome existe, c’est parce que nous sommes quelques-uns à la vouloir et à la faire vivre malgré les difficultés que cela représente. Je suis donc loin de faire cavalier seul.

Cabochard me dis-tu ? Tu plaisantes ? Moi je trouve étrange que les libertaires de la LP nationale laissent, sans grandes protestations, le BN (qui les représente) se jeter dans les bras de G. Marchais… Je te ferai remarquer que les Libres Penseurs du Sud-ouest ont, entre les deux guerres, fait une scission pour des faits beaucoup moins graves que l’affaire Gaudin/Azoulay/Cotereau.

… Je lutte parce que je vis. Ca m’est utile et il y a belle lurette que je n’ai plus l’intention de modifier la société. Et lorsque je rêve … je sais que je rêve ! »

le 3 novembre 1978 :

« Non je ne fais plus partie de l’UR (Union Rationaliste, NDLR), simplement parce qu’ici elle n’existe pas en tant que groupe. Et comme je ne lisais pas pratiquement plus le bulletin par manque de temps, j’ai abandonné. C’est du reste un milieu d’intellectuels universitaires dans lequel je ne me sens pas très à l’aise. Ils restent très éloignés de la population moyenne. Ils sont coupés de la base sociale. Ils sont très savants souvent (dans leur spécialité), mais peu capables de relier leurs profondes connaissances théoriques avec les réalités sociales. De plus ils ne sont pas militants. J’ai abandonné l’UR comme on meurt d’ennui, le milieu m’était indifférent. »

Le 16 juin 1980 :

« Si je lutte, ma chère Lucienne, c’est contre les injustices, les tromperies, les mensonges … d’où qu’ils viennent. Si je suis trompé par l’Eglise je lutte contre l’Eglise. Si je suis trompé (trahi) par la Libre Pensée (exactement par des Libres Penseurs) je lutte contre la Libre Pensée… Si NOUS sommes autonomes ce n’est pas de plein gré : c’est parce que nous n’acceptons pas l’INACCEPTABLE. Depuis notre départ, les tromperies, les détournements ont continué, et aussi les entourloupettes de toute nature tant sur le plan de la LPN que sur le plan de la Résidence. J’ai un bon paquet de lettres très explicites. Tu le reconnais toi-même, c’est la grande pagaille… Non, je n’alimente pas des zizanies, à tel point que je ne me sers pas des informations précises que l’on me donne et qui sont graves, aussi graves que les raisons qui ont motivé notre départ. Non, je combats pour que se crée un MOUVEMENT de LIBRE PENSEE, SAIN, HONNETE, sans mystères, sans cachotteries, sans hiérarques, sans MENSONGES, quelque chose de très différent de l’association dont tu fais partie – tout au moins sur le plan national.

Ce que tu ne veux pas admettre, c’est que si la Libre Pensée marche mal c’est la faute de la GRANDE MAJORITE des libres penseurs. On a, en définitive, les gouvernements que l’on mérite … Seulement je remarque qu’un journal comme Charlie Hebdo fait de l’anticléricalisme violent et a du succès… Toutes les éditions d’importance contre l’Eglise se font hors de la Libre Pensée. Regarde notre page de livres à la vente.

Alors ? Eh bien je raisonne ainsi : si la libre pensée n’intéresse pas les gens capables, comme autrefois du temps des Quinet, Littré, Anatole France et beaucoup d’autres, c’est qu’il y a quelque chose qui pèche à la base de la Libre Pensée même. Ce qui ne va pas c’est TOUT. Il faut tout refaire. Les principes, d’abord. L’esprit de responsabilité en même temps. L’administration, oh combien ! (dépenser plus en frais de gestion qu’en propagande est non seulement stupide mais immoral). Ensuite se lancer dans la bataille avec des vues sur l’avenir hors des vœux pieux et des motions inutiles…

Lucienne LOUBERRY, le 6 janvier 1980 :

« Je crois avoir compris qu’actuellement encore la C.A.N. est un beau panier de crabes ! Jalousies, mesquineries, tracasseries ! Et que penses-tu de leurs grands voyages ? ?? Ils veulent aller voir ce qui se passe dans les pays communistes (comme si on allait les laisser voir tout !) mais pour y participer, il faut être plutôt capitaliste ! Quel gâchis à tous points de vue ! J’ai toujours pensé que la meilleure propagande était l’exemplarité, mais ce ne semble pas être l’avis général. »